Accessibilité : Pourquoi les ERP ne sont pas prêts ?
Pourquoi une grande partie des établissements accueillant du public ne sont-ils toujours pas véritablement accessibles ?
Voilà 12 ans que la loi Handicap du 11 février 2005 a été adoptée par l’Assemblée Nationale. Ce texte prévoyait que dans un délai de 10 ans, tous les établissements recevant du public en France devraient être aux normes d’accessibilité pour les personnes handicapées ou à mobilité réduite. En France, près d’1 million d’établissements de ce type sont recensés : restaurants, hôtels, supermarchés, commerces, mais également banques, bâtiments administratifs, salles de spectacle ou gares.
Où en sommes aujourd’hui ?
Tous les établissements ne sont toujours pas aux normes. Ségolène Neuville, secrétaire d’état chargée du handicap, qui était auditionnée par la Commission des Affaires Sociales, déclarait que 25 % des ERP en France n’avaient pas encore fait la moindre démarche pour se conformer à la loi. Au bout de 12 ans, un quart des établissements seraient donc encore inaccessibles aux personnes handicapées. De quoi remplir les bases de données de l’appli “I Wheel Share”, qui permet de recenser et de partager via son smartphone les lieux publics accessibles aux personnes handicapées. Pourquoi un tel retard, pourquoi les lieux publics en France bloquent-ils au niveau de l’accessibilité ?
Des lieux de vie inaccessibles aux personnes handicapées
Lorsque la secrétaire d’état chargée du handicap parle des 25% d’ERP n’ayant pas encore entamés la démarche, cela veut dire que les chiffres sur l’accessibilité sont en fait encore pires.
En effet, “rentrer dans la démarche” signifie avoir déposé un dossier, un Agenda d’Accessibilité Programmée (Ad’ap). Il s’agit d’un document prévisionnel, détaillant les conditions dans lesquelles l’établissement va, à terme, se conformer aux normes d’accessibilité.
Des délais trop longs
Les délais peuvent être longs. Depuis la loi du 5 août 2015, un établissement pouvant accueillir jusqu’à 200 personnes, bénéficie de 3 ans à partir du dépôt de l’Ad’ap pour se mettre aux normes. Pour les établissements plus grands, le délai passe à 6 ans, voire de 9 ans pour les ERP qui auraient des difficultés financières. Ces ERP n’étant pas rentrés dans la démarche, sont donc ceux qui n’ont pas du tout commencé les démarches pour déposer leur dossier.Parmi les établissements ayant effectivement déposé leur dossier, il faut compter ceux ayant fait une demande de prorogation (environ 90 000 ERP). Au total, cela représente donc près de 35% des établissements n’ayant entrepris aucune démarche concrète auprès de l’Ad’ap. Sans compter ceux qui ont effectivement déposé un dossier, mais n’ont pas encore entamé ou achevé les travaux.
Pourquoi un tel retard ?
Par manque d’information : beaucoup de dirigeants d’ERP, notamment les plus petits comme les petits commerces ignorent le processus de mise aux normes et des délais.
De plus, la structure des réglementations qui ne sont ni incitatives pour les établissements, ni coercitives.La sanction pour un ERP n’ayant pas déposé son Ad’ap avant la date butoir est pourtant de 1500 euros d’amende. Cette amende ne sera infligée qu’aux établissements n’ayant pas “justifié auprès du Préfet” le retard de leur dépôt. La mise au norme pour les ERP, est un investissement important en temps mais également financièrement.
Les aides financières.
Les commerçants ont notamment accès aux aides du FISAC (Fonds d’Intervention pour les Services, l’Artisanat et le Commerce). Au titre de ces aides directes, les aménagements destinés à faciliter l’accessibilité des entreprises aux personnes handicapées et aux personnes à mobilité réduite peuvent être subventionnés à hauteur de 40 % à condition que la participation de la collectivité soit égale à celle du Fisac et que le chiffre d’affaire de l’entreprise soit inférieur à 1 M€. Cette aide du Fisac ne peut excéder 30 000 € par entreprise. Agefiph, Deveco, Oséo, régions, départements… autant d’organismes à même de financer en partie la mise aux normes… mais au milieu desquels il peut-être difficile de s’y retrouver.
Enfin, la prise en compte du handicap est malheureusement une problématique encore secondaire pour beaucoup d’ERP, qui sont d’abord concernés par leurs difficultés financières ou par leurs investissements à moyen terme. Et c’est sans compter les nombreuses exceptions concernant l’obligation de mise aux normes.
Conclusion
L’accessibilité et le handicap demeurent encore le parent pauvre de l’aménagement urbain et des mises aux normes de bâtiments accueillant du public. Tant qu’une prise de conscience de cette problématique n’aura pas lieu chez les directeurs de ces établissements, et surtout qu’une politique urbaine globale ne leur donnera pas les moyens de changer la situation, cette situation risque de perdurer longtemps, et d’empêcher les personnes en situation de handicap d’avoir accès aux bâtiments publics.